Je suis venu te dire "mo content toi"
Maurice, je n’étais jamais venue battre ma claquette sur ton étendue sauvage et par conséquent, je pensais que ta langue n’était pas la mienne, je pensais que ta caste excluait les jeunes filles en fle comme moi, je pensais que tu étais monochrome ou tout au mieux destiné à colorer de quelques basiques couleurs primaires les clichés. Je te pensais uniforme, sans relief, tout juste bon à accueillir les vagues alanguies sur tes côtes blanches ensablées.
Maurice, désormais, je sors les violons. Je t’ai parcouru, caressé, touché, dorloté, étreint, sillonné 9 jours durant et tu as empreint à jamais ma peau de ton ardent soleil, mes yeux de tes arc-en-cieux. Plus jamais ton doux prénom ne résonnera comme avant dans ma zoreille créole.
En marchant, roulant, ronronnant et naviguant chez toi, j’ai découvert le Maurice à qui le relief de rêve n’a pas fait prendre le melon (euh la coco). J’ai découvert un Maurice généreux, drôle, affable, honnête, simple. J’ai découvert non pas un Maurice mais des Maurice, des religions, des ethnies, vivant en harmonie. J’ai vu une église côtoyant un temple hindou ; j’ai vu un Hindou travaillant chez des Chinois ; j’ai entendu des Franco-Mauriciens ourler leurs phrases d’un accent créole. J’ai appris ton Histoire et de par cela tes richesses. Portugais, Français, Anglais ont tenté de modeler ton image à leurs idéaux, mais Maurice aujourd’hui tu laisses flotter fièrement ton drapeau sur ta terre un jour promise et désormais acquise.
Je retiendrai tes routes laissant apparaître par surprise un singe sauvage au détour d’un virage. Je me rappellerai les chasseurs de tangues* aux orées de tes forêts, la nuit tombée, me laissant croire à des braconniers en quête de cerfs javanais ou de cochons sauvages, bâton en main. Je retiendrai ce matin à contempler le dauphin souffleur venant se reposer dans la baie de Tamarin, ce matin à me faire bousculer par une armée de poissons-sergents et autres capitaines sous les ondulations de l’Indien, Ôcéan que tu affectionnes, tel un dodo son œuf (feu le dodo) ; je retiendrai ce matin où le ciel dévida toutes ses émotions contenues sur notre humble embarcation (Petit Bateau), nous laissant inondés sur la belle-île aux Bénitiers ; je retiendrai ne pas y avoir vu de bénitier mais un petit îlot épousant les courbes dudit coquillage.
Je reviens avec, sous ma peau, mon Palais, les goûts et parfums de ton thé de Bois Chéri, ton café de Chamarel, ta cannelle originelle, tes vieux clous de girofle, tes grains de moutarde pour pleurnichard(e)s, ton poivre noir ton sel blanc pour assaisonnement chantant, ton gingembre aux rêves de chambre, ton cher safran et ta cardamome pour les gastronomes. Je reviens avec l’envie d’arranger mon rhum blanc et ce qu’il me reste de mes jeunes années. Je reviens avec l’envie de repartir contempler tes gens, attendant le bus sous l’un de tes abris paré d’élégantes dentelles.
Chez toi Maurice, on prend conscience de la vie qui passe, et on prend soin de bien la faire défiler, aux yeux de la Lune, espionne de nos vies.
*tangue = hérisson malgache